<58>Soit subitement déchargé
Par une main sage et hardie
Du fiel que contre les bigots
Il a distillé dans son âme,
Sinon tu verras qu'Atropos
Va sans pitié trancher sa trame.
Laisse-lui déchirer ...,
Qu'il travaille sur Ocellus,a
Et que son ardeur ranimée
Commente longuement Timée,a
En frondant cet amas d'abus
Dont tous les peuples sont imbus. »
Il disparaît, et je m'éveille.
Ah! marquis, mettez à profit
Le récit de cette merveille;
Qu'il soit ainsi que Bayle a dit.
Déjà votre teint s'éclaircit,
Votre peau redevient vermeille,
La mort vous respecte et s'enfuit.
La santé paraît; votre rhume,
Se distillant par votre plume,
Répandra son impureté,
Son venin et son âcreté
Sur plus d'un monstrueux volume.
Tremblez, pédants, docteurs fourrés,
Qui de vos mystères sacrés
Et d'un ramas d'absurdes fables
Amusez les sots méprisables
Dont vos autels sont entourés.
Déjà sa trompette résonne,
La renommée en tous lieux sonne,
Partout on l'entend proclamer
Que votre toux vous abandonne,
Que vous vous sentez enflammer
De courroux contre la Sorbonne.


a Le marquis d'Argens publia une édition d'Ocellus en 1762 et une de Timée en 1763. Voyez la correspondance de Frédéric avec le marquis d'Argens.