<61> Dulcinée qu'elle roule. L'on veut me rendre amoureux, monsieur, à coups de bâton; mais par malheur, n'ayant pas le naturel des ânes, je crains fort qu'on ne pourra pas y réussir. Le Roi s'exprime en ces termes : Ayant appris que vous n'écriviez pas avec assez d'empressement à votre princesse, je veux que vous me mandiez la raison, et que vous lui écriviez plus souvent, etc. Je lui ai répondu qu'il y avait quinze jours qu'elle ne m'avait pas écrit, et qu'il y en avait huit que j'avais écrit ma dernière lettre : que je ne savais aucune raison à lui alléguer; mais la véritable est que je manque de matière, et que je ne sais souvent de quoi remplir ma page. Mon Dieu, je voudrais que l'on se ressouvînt un peu que l'on m'a proposé ce mariage nolens volens, et que la liberté en était le prix. Mais je crois que la grosse tripière, madame la digne duchesse, me joue ce tour-là, crovant de me ranger de bonne heure sous l'obéissance de sa fontange altière, laquelle je souhaite du fond de mon cœur que le diable foudroie. Je n'espère pas que le Roi se mêlera de mes affaires dès que je serai marié, ou bien je crains fort que les affaires n'aillent fort mal, et madame la princesse en pourra pâtir. Le mariage rend majeur, et dès que je le suis, je suis le souverain dans ma maison, et ma femme n'y a rien à ordonner; car point de femme dans le gouvernement de rien au monde! Je crois qu'un homme qui se laisse gouverner par des femmes est le plus grand coïon du monde, et indigne de porter le digne nom d'homme. C'est pourquoi, si je me marie en galant homme, c'est-à-dire laissant agir madame comme bon lui semble, et faisant de mon côté ce qui me plaît, et vive la liberté!

Vous voyez, mon cher général, que j'ai le cœur un peu gros et la tête chaude; mais je ne saurais me contraindre, et je vous dis mes sentiments comme je les pense devant Dieu. Vous m'avouerez pourtant que la force est une voie bien opposée à l'amour, et que jamais l'amour ne se laisse forcer. J'aime le sexe, mais je l'aime d'un amour bien volage; je n'en veux que la jouissance, et après, je le méprise.